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À ma chère Lau.

En ce jour spécial, j'ai décidé de finir une lecture poignante, Chanson Douce de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016. À cette minute précise, la dernière page vient d'être tournée. Ce roman m'a tenue en haleine. Dès l'incipit, nous sommes dans l'horreur. In medias res, dans un crime de sang, précisément. Pire, un crime d'enfants, que l'on aurait peut-être pu prévoir, si l'on avait prêté attention aux fonctions, aux émotions de ceux qui nous entourent_ de très près, même. Au delà du meurtre, ce qui frappe, c'est la dureté des inégalités sociales, mises en évidence dans ce roman par l'écrivaine. C'est là, semble-t-il, que l'inhumanité peut germer et s'emparer des âmes de chacun: une réalité au coeur de laquelle l'infanticide peut s'inscrire. Le roman expose une dichotomie sociale où se côtoient la misère cachée d'une nounou à l'allure pourtant soignée, et le milieu bobo parisien. De cela, il ne pouvait advenir autre chose qu'une décrépitude de ce tout, à l'image de l'eau et de l'huile qui ne parviennent jamais bien à se mélanger_ une tragédie.  On n'échappe à aucun détail. Le récit nous embarque dans l'intimité d'un jeune couple qui réussit. Leurs enfants petits et charmants, dont l'éducation est entièrement confiée à Louise, leur nourrice, ne décèleront jamais rien de ce milieu social qui les séparent d'elle, eux qui "se fichent des contours de notre monde. Ils en devinent la dureté, la noirceur mais n'en veulent rien savoir". Le point de vue de la narratrice, omniscient, ne nous épargnent aucun objet du quotidien de la famille. On loge chez eux, au même titre que la nourrice, qui finit par devenir indispensable. On comprend aussi quelle réalité les divise, et on aurait presqu'envie d'excuser le crime, si terrible soit-il, de la nounou anéantie par la misère. Louise, ce personnage si réel nous introduit dans un quotidien lumineux, rythmé, par le mouvement d'une famille brillante à tout point de vue, même en vacances où elle assure sa fonction. Aussi, ce doux mélange de perfection_ de maniaquerie qu'elle représente, et de raideur à l'égard de la vie, nous crispe et nous interroge sur la personnalité de celui qui serait capable de crime. Qui sont ceux que nous ne voulons pas voir et dont le désespoir est si flagrant? Ceux à qui nous confions notre vie, nos enfants? Ceux qui donnent le change et cachent leur sombre vie, leurs faiblesses, et qui voient tout de nous? Sommes-nous comme ces enfants qui ferment les yeux sur la dureté du monde? Comment bascule-t-on? Parle-t-on de monstres criminels; ou d'êtres à qui la vie déliquescente peut pousser à bout? Aurions-pu, nous aussi, dans une mélancolie extrême, commettre l'impensable? Dans quel monde exactement vivons-nous? C'est la question que fait émerger Chanson Douce.

Ce roman si bien écrit, d'un réalisme remarquable, nous éclaire sur notre société et sur les rôles que nous jouons face à ceux que nous ne pourrons jamais assurer. Un roman politique et philosophique qui ne nous laisse pas indemnes et qui dépeint les ardeurs, les aspérités de notre siècle. 

Pour toi, ma Lau, à qui je souhaite un bel anniversaire. À toi, à notre amitié, à ce blog. 

Do.

 

Leïla Slimani. Chanson Douce
Tag(s) : #Litterature
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