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À Lau,

Je découvre Dostoïevski avec cette oeuvre, le Joueur. Il n'a pas été évident d'entrer dans son univers. D'abord très détaillé, chargé et froid, il faut attendre quelques pages pour y découvrir une passion double de l'amour et du jeu, au coeur de laquelle la vie d'Alexis se joue. C'est alors que le roman frappe, et nous entrons dans le tourbillon du jeu avec le héros. Dès que le personnage de Pauline entre en scène_ en jeu_ elle retourne l'esprit et les entrailles de ce jeune Russe qui se voit percuté, tiraillé et pris dans un engrenage dont il ne se sortira pour ainsi dire, jamais... "Demain, demain, tout sera fini".  Ces quelques mots d'espérance et peut-être d'auto-persuasion, signe la fin du roman, mais non du tourment. Y a-t-il seulement une fin possible à l'ivresse du jeu? Comment peut-on ainsi se laisser dévorer par un gain toujours potentiel_  sinon impossible? Et surtout, cette passion du jeu est-elle de même genre que celle de l'amour?

...S'entretiennent-elles l'une et l'autre? 

Le roman nous l'affirme, en effet. Pauline, à qui Alexis voue une admiration sans borne, lui inspire le jeu. Le début du roman est aussi celui d'une relation malsaine qui s'installe " Profitez, profitez de mon esclavage, utilisez-le !". Pauline soumet Alexis à la pression du jeu et ce dernier tente ainsi de miser pour gagner toujours plus le coeur de sa belle. L'adrénaline que procure se fléau le rend accro, et Alexis n'est pas le seul a en faire les frais. Toute l'organisation des personnage s'articule autour du gain potentiel. Le jeu fait vibrer le sol commun de tous, et les diverses couches sociales s'affolent. C'est un repositionnement permanent. Les liens entre les personnages se complexifient à mesure que les échecs s'accumulent. Lorsque tout se perd à la roulette, la colère laisse place à la fureur puis au désarroi. Alexis jouera ainsi sa vie, son amour pour Pauline à maintes reprises. Enfin, lorsqu'il finit par gagner gros, il ressent l'ivresse du gain "je me précipitai sur les billets, je les fourrai dans mes poches sans les compter, je ratissais tous mes rouleaux d'or et courus vers la sortie"; autant que l'ivresse de posséder Pauline, "L'image de Pauline passait devant mes yeux, j'avais conscience que j'allais vers elle, la rejoindre, que j'allais tout lui raconter, lui montrer...". Mais est-ce le gain, resté si longtemps potentiel qui fera chavirer le coeur de Pauline? Ce plaisir qu'elle prend à faire d'Alexis un esclave du coeur comme du jeu, va-t-il nécessairement prendre fin à cet instant? "Je courus jusqu'à ma chambre; j'ouvris la porte: Pauline était toujours là, assise sur mon canapé, devant une bougie allumée, les mains jointes (...). Je me rappelle la façon dont elle me regardait, droit dans les yeux, sans bouger, sans même changer de position." À son annonce, "Pas de réponse". Un jeu de regard que le joueur ne devra pas chercher à interpréter longtemps.

Y a t-il une fin possible à ce tourment ? Peut-être était-ce l'amour le vrai jeu ardent, cristallisé au coeur des roulettes russes; ou bien l'amour, le prétexte pour jouer toujours plus? 

Dostoïevski. Le Joueur
Tag(s) : #Litterature
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